Jean le 31 mai 2015

Témoignage de l'accouchement de Claire, le 31 mai 2015.

En vert et en italique, des petits bouts de point de vue du papa...

 

Notre petit garçon est né dimanche 31 mai 2015 ; je dois dire que je ne m'y attendais pas : le terme était pour le mardi 2 juin, jour de pleine lune... j'étais alors persuadée d'accoucher au terme, d'autant plus que je continuais à me sentir bien dans mon corps ; nous avions même prévu d'aller passer la journée au lac le dimanche... Du coup, lorsque les contractions ont commencé dans la nuit du samedi au dimanche, j'étais persuadée qu'elles allaient passer, et que j'allais passer une journée normale... Comme tu disais Martine, ça ne se passe jamais comme on l'a prévu !! Mais ça, sur le moment...

 

Du coup, vers 2h du matin, j'ai ressenti mes premières contractions. Cela faisait quelques jours peut être que j'avais quelques petites douleurs, comme des douleurs de règles, que j'avais interprété comme la maturation du col. Ressentir ma première contraction a été une sacrée expérience ; on ne peut pas se tromper; j'étais toute étonnée, excitée aussi, et en même temps, j'avais l'impression de comprendre... l'image de la vague... Je suis restée au lit, tranquillement, ou du moins en essayant de rester tranquille, me disant qu'il fallait me reposer, que ça allait sûrement passer. Mais au bout d'un moment, je me suis levée pour aller me poser au salon, éviter de réveiller mon compagnon car je bougeais beaucoup. Les contractions ont dû se rapprocher, mais je n'ai pas mesuré ; j'étais en état d'observation tranquille, quoique déjà surprise par la force de ces vagues. Pas moyen de rester allongée lorsqu’elles venaient. Je me suis dis « zut quand même, je me sens un peu l’arrache ! »

 

J'ai décidé de regarder quelques témoignages d'accouchement sur le site du Lotus Rouge, histoire de me laisser inspirer par d'autres femmes, car, tellement je ne pensais pas avoir à gérer les vagues là maintenant, je me sens un peu dépourvue de créativité ! Et là, entre 2 contractions qui me laissent lire, je me remet en tête la respiration de la vague, l'existence du ballon etc..

 

Vers 4h je pense, je vais chuchoter à mon compagnon que, juste pour le prévenir, j'ai des contractions, mais qu'il peut rester dormir... Il me rejoint peu de temps après au salon ; pas possible de se rendormir vraiment après cette information !! Je me rappelle qu'il me dit que les contractions sont quand même proches, et je me revois rigoler avec lui en le regardant, à 6h du matin, en train de récurer la baignoire pour que je prenne un bain dans une baignoire reluisante (ça semblait important pour lui) !! Je crois que c'est après cet intermède agréable pour gérer les contractions que j'ai commencé à perdre la notion du temps ; que je n'avais déjà pas trop avant!

 

Nous avions prévu d'accoucher à la maison. Pendant mon bain, il a préparé le salon comme nous avions pensé, et puis j'ai dû gérer les contractions avec la respiration de la vague, le ballon je pense. Puis à un moment, il a appelé la sage-femme ; j'étais déjà très intériorisée. Les contractions étaient fortes et rapprochées je crois...

 

J'étais dans ma bulle.

 

Claire m'a réveillé vers 4h. Moi non plus je n'étais pas bien sûr que notre bébé arrivé le jour même. J'avais lu beaucoup de témoignages d'accouchement avec des faux départs plusieurs jours ou semaines à l'avance. Mais je me suis lancé dans l'aventure en me disant (comme depuis le début de la grossesse) qu'on verrait bien où tout ça nous mènerait !

 

Quoi qu'il en soit, pour moi le plus important avant l'accouchement et durant toute cette aventure a été d'essayer de permettre à Claire de se sentir le mieux possible, de suivre le flot de ce qui se passait, de prendre soin de sa « bulle ». Je n'en faisais pourtant pas complètement parti ; étant à la fois acteur et spectateur, j'avais malgré tout un regard extérieur et intellectualisé sur ce à quoi je participais.

 

Lorsque la sage-femme est arrivée, j'ai à peine ouvert les yeux. On a continué à gérer les vagues. Je ne me rappelle plus les détails, mais les contractions ont été gérées à deux, avec mon compagnon, ou avec la sage-femme lorsqu'il a eu, rarement, besoin de s'absenter. Je ne sais plus si je faisais déjà des sons ; mais j'ai beaucoup utilisé les AOMmmm... avec zéro retenue apparemment ! Je me souviens qu'il y a eu quelques ratés dans la gestion des contractions, où je me suis fait surprendre par une contraction ; j'ai alors complètement subi la douleur ; l'image de la puissance du rouleau dans l'océan qui te ramasse, te secoue, te noie, etc, me semble tout à fait correspondre à ce que j'ai ressenti alors. J'ai dû jurer des choses genre "putain j'ai pas géré - aarrghh...!!, jme suis pas préparée...".

 

Je n'ai vraiment compris et ressenti la puissance et l'efficacité de la respiration de la vague que ce jour-là. Je l'accompagnais en tirant sur mes bras, accrochés à mon compagnon, accroupie, contre le ballon...je sais plus bien, on a eu plusieurs positions ; il faut croire que j'avais retrouvé ma créativité ! Et puis avec le son. Nous avions une très chouette connexion ; je crois que je l'ai juste houspillé quelques fois quand il ne me prenait pas exactement comme il fallait.

 

Il parait que l'ouverture de mon col a été rapide ; que vers midi je crois, la sage-femme a appelé sa collègue, car elle pensait que la naissance était proche, il ne restait qu'un petit bourrelet devant.

 

A un moment donné, je sais que j'ai eu comme une envie de pousser. C'est là que le travail a commencé à stagner je crois.

 

La deuxième sage-femme est arrivée ; je ne l'ai même pas vue ; enfin, pas regardé, mais j'ai sentie qu'elle était là, et c'était ok.

 

J'ai appelé la sage-femme vers 8h. Comme c'était la fête des mères et que Claire allait bien, elle a pris un temps avec ses enfants et n'est arrivée que vers 9h30. Cela faisait déjà plusieurs heures que Claire avait des contractions intenses, régulières et rapprochées, mais pas de stress, nous étions en confiance, déjà dans notre rythme d'accouchement à deux. La deuxième sage-femme est arrivée en fin de matinée. Ça a été difficile pour moi d'accueillir cette nouvelle personne dans notre petit espace d'accouchement. Je ne la connaissais pas et je pensais qu'elle resterait en dehors de la pièce, juste là pour aider à des petites choses et « au cas où ». Mais j'ai vu que cela ne dérangeait pas Claire et encore une fois j'ai préféré accompagner le flot.

 

Durant l'accouchement, Claire a passé probablement plus de temps à s'excuser de la façon dont elle parlait ou agissait qu'à nous donner des ordres ou être vulgaire ! Pourtant peu importait pour les deux sages-femmes et moi ce qu'elle pouvait dire ou faire, notre seul objectif était d'accompagner ce qui se passait en elle. Je dois dire quand même que la présence des sages-femmes était très rassurante pour moi ; je me serais senti démuni sans elles. Et c'était quand même bon d'avoir quelqu'un d'autre pour me permettre d'aller aux toilettes ou manger un morceau !

 

La journée n'a pas été si fatigante que ça pour moi. Certes, je manquais de sommeil, mais je suis habitué aux nuits blanches dans les festivals de danse, et accompagner les contractions de Claire ressemblait un peu à une danse où il fallait que je trouve la bonne position, le bon mouvement, la bonne tension pour accompagner la vague qui la traversait.

 

Nous avons continué à gérer les contractions, avec cette envie de pousser... mais je crois que je ne savais pas comment faire.

 

Apparemment l'enfant est bien descendu, il est arrivé dans le vagin, tout le monde voyait poindre son crâne, j'ai même pu le toucher. Mais je n'arrivais pas à pousser efficacement.

 

Je ne crois pas l'avoir vraiment senti descendre, je sais juste qu'à un moment on m'a proposé d'aller sous la douche et que le jet d'eau chaude sur le sacrum était juste trop douloureux !

 

A un moment, j'ai eu un petit coach de poussée sur les toilettes ; histoire de mieux sentir où/comment il fallait pousser, de lâcher avec la peur des selles aussi...

 

Nous avons poussé pendant un long moment. La sage-femme écoutait régulièrement le cœur du bébé pour vérifier que tout allait bien. Je ne poussais pas assez longtemps. Je commençais à fatiguer. Le bébé allait bien, mais j'avais de moins en moins de force pour gérer les contractions et pousser, et je ne savais plus comment me mettre... Je n'arrivais plus vraiment à me détendre non plus entre deux contractions. Les sages-femmes m'ont proposé différentes postures. Je pense j'étais un peu sortie de ma bulle aussi, et j'avais un état d'esprit défaitiste ; «je n’y arrive pas» ...

 

Nous avons pris des tas de positions différentes : moi assis sur le ballon avec Claire à genou face à moi, Claire sur le ballon et moi debout face à elle, debout l'un en face de l'autre... Malgré quelques essais, il était hors de question que je la tienne par derrière ! Dans toutes les positions, ce qui semblait important pour Claire était d'être légèrement penchée vers l'avant lors des contractions et que je lui tire les bras ou les épaules vers l'avant et le haut. C'était comme si tirer dans un sens permettait de pousser dans l'autre ; la tension dans nos bras était intense !

 

La sage-femme a écouté le cœur du bébé par intermittence. Pour moi, c'était rassurant d'avoir des nouvelles de la santé du bébé et en même temps la présence du monitoring me déconnectait un peu de l'instant. Même lorsqu'il n'était pas utilisé il restait allumé et il y avait une petite horloge avec l'heure qui défilait dessus. J'ai eu du mal à me déconnecter du temps à cause de ça.

 

Au bout d'un moment, le cœur du bébé a montré des signes de fatigue. Nous sommes partis d'urgence à l’hôpital. Il était vers 17h30. Là, j'ai reconnecté avec mon bébé, je me suis efforcée d’être présente à lui, de le rassurer. Je ne savais pas du tout comment il allait ; il fallait qu'il aille bien ; j'étais avec lui. Pendant ce temps mon compagnon a géré le départ aux urgences. Comme nous ne pensions pas accoucher ce jour, bien sûr, aucun sac n'était prêt pour le départ ! Donc on est parti avec le strict nécessaire, un bonnet pour le bébé, un pantalon pour moi et zou en voiture.

 

Les gens me demandent souvent après coup comment j'ai fait pour descendre les escaliers. Je ne sais pas !! Ça s'est fait comme ça sans réfléchir ; normal ; il fallait arriver vite à l’hôpital, c'est tout. L'installation dans la voiture a été plus délicate ; j'ai dû insulter 2-3 feux rouges, trouver le trajet interminable (on doit habiter à 3-4min du CHU!!), et me rendre compte que gérer des contractions dans la voiture, c'est vraiment pas commode! Après avoir enfin trouvé le bon étage/couloir, été poussée sur mon fauteuil roulant, j'ai littéralement jeté mes chaussures et mes vêtements par terre, on a branché le monito et vu que le bébé allait très bien... Instants de respiration.

 

« Comment avez-vous fait pour aller à l’hôpital ? » Question dérisoire... Je crois que si ça avait été nécessaire j'aurai porté Claire dans mes bras en courant sur le kilomètre qui nous séparait de la maternité. Heureusement la voiture était garée juste en bas de l'immeuble !

 

Claire a passé plus de 4 heures dans la phase des contractions. Elle a fait du mieux qu'elle a pu et j'ai été admiratif devant le courage et la volonté qu'elle a mis dans les poussées. Mais avec le temps, la fatigue et le découragement sont venus ; elle ne trouvait pas comment faire et ni moi ni les sages-femmes n'avons trouvé le moyen de l'aider. Peut-être aurions-nous du la « coacher » plus tôt, peut-être y avait-il un mot, un geste à faire ?... Quoi qu'il en soit au bout d'heures de travail acharné avec le bébé qui ne sortait pas, il était bon de passer dans un autre lieu et de changer de méthode. Petite frayeur tout de même au moment du transfert vers l'hôpital, mais soutenue par le désir que tout aille bien.

 

Là, toute une équipe s'est occupée de nous ; je n'étais plus du tout dans ma bulle, mais quand même je n'avais pas vraiment retrouvé ma diplomatie. Le personnel du CHU a été super ; comme j'avais prévu d'accoucher à la maison et que le bébé allait bien, ils ont décidé de continuer à me faire pousser sans intervention médicale. Je me souviens avoir écrabouillé la main d'un jeune homme à côté de moi. Mon compagnon était là, et les 4-5 personnes du CHU présentes vraiment là aussi. J'étais très coachée, c'était chou, je crois que j'avais besoin de ça. Mais j'étais épuisée et réclamais, apparemment pas très diplomatiquement, que l'on me fasse une ventouse. Je voulais que mon bébé sorte...

 

Au bout d'un moment, ils me l'ont posé cette "p..." de ventouse... Et là, j'ai dû crier, insulter, que ça faisait super mal, qu'on me "défonçait le vagin"... Je ne savais pas ce que c'était une ventouse... En plus, elle a lâché la première fois ; on a dû recommencer ; je crois que la gynéco n'était pas non plus très douce... Puis à un moment, mon compagnon m'a raconté cela après, ils ont observé le rythme cardiaque du bébé qui chutait, et là, ils y sont allés franco de la ventouse, m'ont fait une épisio, et tout le monde s’est mis à "crier" des : « Allez-y madame ! Poussez ! C'est bien ! Ne lâchez pas !... etc.". J'ai poussé comme une folle, hors contraction ; fallait que le bébé sorte ; maintenant. Je ne savais pas les détails, mais c'était clair : c'était MAINTENANT. Et le bébé est sorti... C'est mon compagnon qui l'a recueilli et me l'a mis sur le ventre...

 

Quelle surprise que cette petite chose gluante et bleue sur moi... Puis son regard. Quelques larmes. On a dû me féliciter, m'informer de l'épisio, s'excuser qu'on ait dû intervenir... Mais tout était parfait pour moi ! Ils avaient géré comme il fallait, toute l'équipe. J'étais heureuse ; le bébé était là, en bonne santé. Il s'est mis à téter, pendant qu'on me recousait... J'ai quand même dû insister pour qu'on ne m'injecte pas de morphine pour être recousue ! J'allais souffrir me disait le médecin !! Après les douleurs que je venais de vivre, ça ne me semblait vraiment pas nécessaire !! D'ailleurs, pendant les ventouses, j'ai quand même pris le masque avec gaz (hilarant?) pour atténuer les douleurs... Ça, je crois que c'était bienvenu en fait.

 

Nous n'étions pas préparés à ce qu'était une prise en charge à l'hôpital, à ce que la ventouse allait faire au crâne de notre bébé, à la pratique d'une épisiotomie en urgence, sans même nous demander ni nous informer. J'ai vu ce que Claire ne voyait pas. Je ne lui ai rien dit, sinon que tout allait bien, qu'il fallait qu'elle pousse, qu'elle allait y arriver, qu'elle allait faire sortir notre bébé. J'étais malgré tout très impressionné, un peu choqué par ce qui se passait entre ses jambes ; les manipulations sans ambages des gynécos, le crâne du bébé déformé par la ventouse. Confiance, confiance, tout va bien se passer, tout se passe pour le mieux...

 

Et finalement tout va bien.

 

Nous sommes rentrés tous les trois le soir même, tout allait bien, accompagnés d'une amie qui nous a aidé à gravir les escaliers de chez nous... pour notre première nuit en famille.

 

J'avais encore une sacrée énergie. Étonnant le dopage hormonal... ! Ce n'est que les jours suivant que j'ai senti combien cela avait été physiquement engageant ; je n'avais plus de force dans les bras, les jambes ; l'entrejambe douloureuse...

 

Avec mon compagnon, nous avons pris le temps pour nommer notre enfant ; on ne l'a déclaré en mairie que 2-3 jours après la naissance, bien que son prénom nous soit venu peu de temps après l'avoir rencontré... Il se prénomme Jean.

 

Je dois préciser que la séance de préparation à l'accouchement sur l'allaitement m'a bien servie en attendant la visite de la sage-femme le lendemain !

 

J'ai repensé à la vision positive de la naissance que tu véhicules Martine... dans ces moment-là, je crois qu'on est pas du prête à revivre ça! Maintenant, il en est déjà autrement... Même si je sais qu'il y a sûrement un petit travail à faire pour qu'une prochaine fois, peut erre, mon périnée puisse s'ouvrir... naturellement... que je puisse lâcher...

 

En tout cas, cette belle aventure continue, avec la découverte, chaque jour, de notre enfant, de la vie à trois...

Claire et le papa